Premiers pas d’une humaine
La première chose qui me marqua, quand j’ouvris les yeux, ce fut ma peau sèche. Le sable m’irritait, ma gorge me brûlait, tout n’était qu’agression autours de moi. Je n’avais qu’une envie, retourner d’où je venais : l’océan.
Ma première tentative pour me lever fut un échec cuisant. Il me fallut plusieurs minutes pour m’habituer à ces deux tiges blanches devant moi (j’appris plus tard qu’on appelait cela des jambes), ce qui était assez déroutant car je me sentais comme séparée en deux. Pourquoi avais-je quitté mon monde déjà ? Cette question ne cessait de retentir dans mon esprit sans que j’en connaisse la réponse. Plus le temps passait, plus je m’évertuais à tenter de me relever et plus mes souvenirs s’effaçaient. Bientôt, même les splendides palais d’or, où je demeurais avec mes sœurs, ne furent que de lointaines images dont je ne savais si elles avaient réellement existées ou non.
La seule chose qui me restait était cette certitude : j’avais été sirène et me retrouvait prisonnière de cette enveloppe humaine. Je n’en connaîtrai probablement jamais la raison.
La nuit était presque tombée sans que je ne sois parvenue à me relever. Quand soudain j' aperçu une lueur, quelqu’un approchait. Qu’elle était cette odeur immonde ? Les humains sentaient-ils tous comme ça ? Je voulais fuir mais cela m’était impossible, un homme m’éclaira de sa lanterne et je me recroquevillai sur moi-même pour cacher autant que possible ma nudité.
Après quelques instants qui me parurent une éternité, il s’en alla sans un mot. Le froid commençait à engourdir mes membres, ma tête était lourde et la faim me rongeait. L’homme revint peu de temps après, une femme l’accompagnait. Elle tenait une couverture avec laquelle elle m’enveloppa. Puis je sentis mon corps s’élever, l’inconnu m’avait prise dans ces bras, ma vue se brouilla et je sombrai dans le néant.
Plusieurs jours s’étaient écoulés quand je revins à moi. Yor et Gertude, car c’était les noms de mes sauveurs, m’accueillirent chez eux. Je restai ainsi à leurs côtés plusieurs mois et pu retrouver mes forces. Gertrude m’aida à marcher, Yor me confia son arc pour que j’apprenne à chasser.
Si en apparence, il ne me restait plus rien de ma vie d’avant, je n’étais pas tout à fait humaine non plus. Le teint pâle, j’évitais le soleil et craignais plus que tout le feu. Si je ne deviendrai jamais une grande marcheuse, je restais néanmoins une excellente nageuse et pouvait retenir ma respiration bien plus longtemps que quiconque sous l’eau. Enfin, de temps en temps, sans que je ne comprenne pourquoi, une étrange lueur bleue m’envahissait et émanait de mon corps.
Puis le temps de partir arriva. Gertrude et Yor hébergeait, Damis un ancien voyageur. Souvent le soir, à la lueur d’une bougie, il nous contait ses aventures dans des contrées lointaines. Malgré mon affection pour eux, je ne pouvais rester dans un lieu où je serai à jamais une étrangère et je pris la décision de voir par moi-même les plaines verdoyantes et ces roches transperçant le ciel que l’on nommait « montagnes ».
Je quittai Begharan sans me retourner un matin d’été. Je croyais avoir été discrète mais Damis m’attendais aux portes du village. Je me limitai à un signe de tête à mon passage devant lui, puis dernière moi j’entendis sa voix chevrotante :
« Bon voyage petite sirène »